Dans la jungle, une petite Girafe arborant un beau masque de bois et un costume très distingué attend tranquillement le métro à l’ombre d’un arbre. Elle mâchouille une plante et regarde sa montre. Elle est dans les temps.
Le métro, ponctuel, s’arrête à grand bruit et lui ouvre ses portes. Notre Girafe entre et s’assied sur le strapontin à côté de la porte. Le wagon est curieusement vide, seul le bruit des rails vient accompagner le voyage. Pas de grand-mère geignarde ni d’adolescent rebelle au portable hurlant de la musique. Etrange.
– N’avez vous donc pas peur!
La girafe sursaute! A sa droite, une chouette d’alarme s’extrait de la parois en tôle et vient s’asseoir sur le strapontin d’en face.
Notre voyageuse, remuée:
– Eh bien vous savez faire votre entrée vous. Vous avez bien failli me tuer. J’étais persuadée d’être seule.
La chouette la contemple en se grattant nonchalamment son nez d’alarme.
– Et ça ne provoque rien dans votre cerveau haut perché: dix-huit heure et personne dans le métro?
– Maintenant que vous le dites, ça m’a bien semblé étrange en entrant mais j’ai préféré y voir une occasion de choisir ou m’assoir, plutôt que d’extrapoler un danger quelconque. Je suppose que j’ai eu tort à voir votre tête. Eclairez-moi.
– Le Miam Miam est de retour! S’exclame d’un ton grave la chouette, en écarquillant les yeux.
La girafe ne réagissant pas elle continue:
– Vous ne le connaissez pas? Le Miam Miam est un Mange Rail. Le pire! Le plus gros et le plus méchant!
– Je vois. Et pourquoi vous êtes là vous si il est si monstrueux ce Miam Miam?
– Je travaille, Monsieur: J’alarme. Vous n’avez donc pas peur de vous faire dévorer avec le métro? Si le Mange rail prend cette ligne, croyez-moi il n’est pas du genre a faire dans le détail. Le Miam Miam mange et digère tout. Même les girafes masquées. N’avez vous donc pas peur de mourir?
– Pas vraiment non. Je ne peux pas mourir.
– Tiens donc. Et pourquoi ça?
– Pour deux raisons. Premièrement j’ai rendez-vous. Deuxièmement la porte de la mort est trop petite pour mon cou. Du coup je dois rester dehors. Et dehors c’est ici. Pas mort donc. Surtout n’insistez pas, j’ai essayé de face, de profil et même la tête en bas: rien à faire. Donc votre Miam Miam il peut toujours venir.
– Une girafe immortelle voyez-vous ça. Eh bien vous aller pouvoir nous faire une petite démonstration. Il arrive. Dit-elle en se dissimulant précipitamment dans la parois du wagon. En effet à l’horizon loin derrière le train, juste sous le soleil, on voit avancer une énorme masse noir qui aspire les rails à grande vitesse.
Dans le train notre Girafe se lève, brosse un pli sur sa veste et se dirige ensuite calmement vers la plate-forme a l’arrière du dernier wagon. Elle s’appuie contre la barrière et sort une feuille qu’elle mâchouille en attendant que le Miam Miam s’approche. Celui-ci avance de plus en plus vite attiré par la perpective d’un bon métro à engloutir. A deux mâchoires du train le monstre agrandis sa bouche afin de pouvoir gober sa proie. On voit de la bave ruisseler des commissures de sa bouche. La girafe se redresse.
– A l’heure comme d’habitude, approche encore un peu vieille limace. Murmure t’elle.
La gigantesque bouche du Miam Miam engloutis le métro, la nuit tombe sur le train. Pas un éclat de lumière ne perce a l’intérieur du monstre. Le train roule encore quelques minutes dans le noir le plus total, jusqu’à ce que des traits de lumière colorée percent l’obscurité. Du jaune, du bleu et du rouge. Une musique joyeuse se fait entendre.
– Nous y voilà. Parfait! Murmure la girafe en tapotant sa montre.
Le train s’arrête finalement devant une grande place entourée de somptueuses maisons. Une grande fête bat son plein. Sont réunis là, une centaines de personnes, le gratin de la société des girafes. Tous masqués et apprêtés de la plus belle manière. A l’arrivée du métro, le silence se fait dans l’assemblée. Tout le monde se tourne pour voir le nouvel arrivant descendre du wagon.
– Mesdames, Messieurs! Par les pouvoirs qui me sont conférés en tant que président, je déclare ce centième carnaval ouvert!
L’assemblée déverse un tonnerre d’applaudissement. Notre Girafe s’incline en avant pour remercier son publique et jette en l’air son chapeau.
– Que la fête commence!
Texte : Sandro Dall’Aglio
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